Mr Mercedes : Sous le parapluie bleu de Debbie

Mr Mercedes sous le parapluie

ATTENTION : cet article fait partie de la rubrique « lisons ensemble ! » et contient des SPOILERS sur le livre présenté. Si vous n’avez pas lu ce livre, je vous conseille vivement de passer votre chemin. 

Pour en savoir plus sur cette rubrique, c’est ici. 

Épisode précédent :

Mr Mercedes : Off.-ret. chapitres 8 à 22

Sous le parapluie bleu de Debbie

 

Les personnages

Cette partie est surtout une installation des personnages. Des informations supplémentaires nous sont données sur eux et le point de vue est partagé entre Hodges et Brady (le tueur à la Mercedes) qui se livrent à une sorte de duel mental, chacun supposant et évaluant les ressources psychologiques de l’autre. Deux autres personnages vont émerger : l’un, Jérôme, le jeune voisin de Hodges, nous est déjà connu; l’autre est Janelle Patterson, la soeur de Mrs Trelawney.

Brady

Le premier chapitre nous fait entrer dans les pensées de Brady. Dans son camion de glaces, celui-ci revendique sa haine des « sales mômes », ces « petits animaux ». Il se pose encore une fois en surhomme mégalomane, affichant son mépris des autres hommes qu’il juge inférieurs et revendiquant son statut de « meurtrier de masse » dont il tire beaucoup de vanité. Il projette même d’empoisonner les glaces qu’il vend. Ce fantasme de meurtre revient au chapitre 14, lorsque Brady projette de tuer le chien de Jérôme, puis Obama, puis Brad Pitt; et au chapitre 17 lorsqu’il envisage de tuer sa mère en l’étouffant. Ce n’est pas l’idée de tuer une personne en particulier qui le séduit mais l’idée de meurtre elle-même, et en parallèle son contrôle sur la vie des autres. Cette façon de raisonner évoque l’hybris, l’orgueil démesuré d’un homme qui pense, à l’instar des dieux, pourvoir décider de qui doit vivre et qui doit mourir. Etrangement, le seul meurtre qu’il semble ne pas assumer est celui de son frère, qui n’est jamais évoqué jusqu’au bout. On pourrait penser que Stephen King joue avec nos nerfs et notre curiosité macabre en distillant les détails au compte-goutte, mais il semble aussi que Brady coupe volontairement le contact quand ses pensées reviennent à ce sujet.

Il semble aussi en vouloir personnellement à Hodges de ne pas avoir réussi à l’arrêter, ce qui l’aurait plongé dans la lumière et l’aurait mis dans l’incapacité de céder de nouveau à ses pulsions de mort.

Hello Brady !

On apprend au chapitre 2 que Brady est puceau, qu’il est raciste et qu’il n’a jamais eu d’ami. Un jeune homme très recommandable donc. Au chapitre 5, nous entrons plus profondément dans son intimité. Il vit dans un lotissement miteux (au chapitre 19, nous avons même son adresse : 49, Elm Street … Elm Street ? comme dans A Nightmare on Elm Street ? Eh oui ! Coucou Freddy Krueger !) Sa mère, Déborah Hartsfield, alcoolique et accro à la télé réalité (même si, comme Hodges, elle sait que tout est truqué), possède une Honda rouillée et déglinguée (encore le symbolisme de la voiture comme extension de l’individu). Elle entretient avec son fils des rapports extrêmement malsains. Brady souffre de toute évidence d’un énorme complexe d’Oedipe non résolu mais sa mère l’entretient dans ce trouble en s’exhibant devant lui à demi-nue et en l’embrassant sur la bouche de façon déplacée.

Un lieu important nous est aussi présenté dans les chapitres 5 et 6 : le sous-sol. Symbole évident de l’aspect souterrain de la psyché de Brady et des égouts de son moi. C’est le lieu où il est réellement lui-même, où tout est sous contrôle. Il le nomme d’ailleurs le centre de contrôle. Ses ordinateurs sont contrôlés (encore !) vocalement par trois mots : lumière, chaos et ténèbres (très grandiloquent tout ça, Mr Mercedes a une haute estime de lui-même). Il a essayé de créer, d’inventer des choses, mais ne pouvant arriver à ses fins, il s’est tourné vers la destruction.

On apprend aussi au chapitre 17 que le jeune homme souffre de maux de tête et qu’il est persuadé d’avoir une tumeur cérébrale. Il est par ailleurs certain d’être un malade mental, ce qui lui permettrait d’expliquer et de justifier ses pulsions meurtrières qu’il n’assume peut être pas autant qu’il l’affirme.

Hodges

Imaginez la même en bleu pastel

En sortant du restaurant, Hodges se rend à la maison de Mrs Trelawney, à Sugar Heights. Une fois de plus, la capacité du vieux flic à donner toute leur importance aux détails se révèle lorsqu’il parvient à entamer une discussion cordiale avec l’agent de sécurité Radney Peeples, pourtant assez hostile, en identifiant l’origine insolite de son prénom (un chanteur de country). Les miettes du gâteau ont décidément du bon … A noter qu’une fois de plus, un personnage est présenté par sa voiture: la Crown Vic bleu pastel révèle l’appartenance de l’homme aux cheveux en brosse à la grande famille des agents de sécurité. Hodges profite de ce moment de connivence pour se renseigner sur la sœur de Mrs Trelawney.

Quelques nouveaux renseignements sont donnés sur le policier retraité. L’insistance sur son aspect physique un peu délabré nous amène à nous interroger sur une santé qui pourrait le trahir, en particulier au chapitre 19, dans lequel il apparaît comme un « gros fantôme pâle en boxer short ».

Au chapitre 4, on apprend que, comme Brady, Hodges pense que l’amitié est surfaite. Ce lien inattendu entre les deux personnages ne joue pas vraiment en faveur du policier. Pourquoi se méfie-t-il tant des autres ? Cela rejoint son obstination à vouloir mener cette enquête seul. Hodges semble être un homme très méfiant.

Au chapitre 15, on apprend l’adresse de Hodges : 63 Harper Road. Brady et lui ne vivent qu’à 5 km l’un de l’autre. Cette proximité géographique joue davantage en faveur de Brady puisque Hodges ignore ce fait.

Jérôme Robinson

Au chapitre 2, nous percevons le jeune voisin d’Hodges à travers le regard envieux de Brady. Il a 17 ans, il est beau, sort avec beaucoup de filles et il a une sœur de 9 ans nommée Barbara.

Aux chapitres 4 et 11, on apprend par Hodges qu’il a une écriture soignée, mais une orthographe moyenne, qu’il est un peu misogyne et qu’il a des problèmes d’identité du fait de sa couleur. On apprend aussi qu’il est soigné de sa personne du point de vue vestimentaire (tiens, tiens … comme le Grim Sleeper ?) Hodges le compare à un jeune Obama. Il est grand et porte l’après rasage Old Spice.

Ce personnage tend à devenir sympathique, même si des zones d’ombre subsistent.

Janelle Patterson

Hodges souhaite rencontrer Janelle car il veut savoir si elle est en possession d’une lettre que sa sœur aurait reçue de la part du tueur à la Mercedes. Elle a hérité de la maison et a quitté son mari dans la foulée. Depuis, elle soigne sa mère et habite dans l’appartement de celle-ci. Hodges est séduit par cette femme. Elle lui parle de sa sœur, dans une longue digression kingienne, qui n’apporte pas vraiment d’éléments nouveaux mais qui créé un récit dans le récit que l’on suit finalement avec autant d’intérêt que l’intrigue principale. On apprend ainsi qu’elles avaient 8 ans d’écart et que leur relation était très conflictuelle en raison de  l’hypocondrie d’Ollie. Janelle relate aussi la rencontre de sa soeur avec Kent, qui allait devenir son mari, puis l’aggravation de ses symptômes après la mort de ce dernier. Hodges est conforté dans son intuition : si Ollie était une obsessionnelle compulsive, est-il possible qu’elle ait laissé les clefs sur le contact ?

Le baiser final de Janey sur la joue d’Hodges nous amène à nous interroger sur la possibilité d’une idylle entre ces deux personnages, même si Janey est plus jeune que lui, ou du moins une relation qui dépasse la relation d’employeur/employé (puisqu’elle a engagé Hodges comme détective)

Mr Mercedes smileyL’autre lettre

Dans la lettre reçue par Ollie Trelawney, Brady adopte une tactique différente. Il feint d’éprouver des remords, raconte son enfance. Il s’identifie encore à sa victime en mentionnant des tics nerveux qui ressemblent étrangement à ceux d’Ollie (il l’a sans doute espionnée). On peut se demander quelle est la part de vérité ou d’extrapolation dans ce qu’il raconte. Le plus probable est qu’il mêle habilement le vrai et le faux. Il exagère l’état de sa mère, mais l’alcoolisme de celle-ci est véritable. Il accuse ensuite Mrs Trelawney d’avoir laissé sa clef sur le contact et de l’avoir ainsi poussé à passer à l’acte. Brady révèle des capacités étonnantes de mimétisme. Il sait exactement où appuyer pour faire le plus de mal possible.

En comparant les deux lettres, Hodges déduit que Mr Mercedes a entre 20 et 35 ans, qu’il est intelligent, doué pour l’écriture. Cependant, certains traits pourraient le trahir : l’utilisation de la déformation « créminel » et l’abus de traits d’union.

Un tandem efficace

La collaboration entre Hodges et Jérôme semble très efficace. Ils envisagent les choses de manière complémentaire. Par exemple, lorsqu’ils regardent l’animation du site « le parapluie bleu de Debbie », Hodges envisage les choses de manière romantique (une demande en mariage), quand Jérôme pense à un site porno. Jérôme est trop jeune pour être le partenaire d’enquête de Hodges, mais il est utile pour lui renvoyer la balle. Hodges a besoin d’un regard neuf pour distinguer les éléments importants de son investigation : il doit faire jouer ses hypothèses en les verbalisant. C’est pourquoi il lui raconte une histoire un peu modifiée mais Jérôme n’est pas dupe. Il identifie immédiatement l’affaire du tueur à la Mercedes. Il lance même à Hodges un regard entendu que ce dernier n’aime pas (et c’est très suspect). En racontant une anecdote sur ses parents et leur problème de clefs de voiture, il donne une hypothèse plausible au policier retraité sur l’absence du double des clefs chez Mrs Trelawney (lors de l’achat de la voiture de la mère de Jérôme, le double était resté dans la boîte à gants mais celle-ci l’ignorait). Mais cela ne règle pas le problème des portes de la voiture qui n’étaient pas fermées à clef.

L’humour macabre de Stephen King fait un incursion savoureuse dans un dialogue entre les deux partenaires. Jérôme, voulant manger une glace, propose d’en acheter une à Brady, alias Mister Delice, car « ses glaces c’est une tuerie » !

Le parapluie bleu de Debbie

A la demande de Hodges, Jérôme visite le site de rencontre mentionné par Brady. Ce site est très protégé, il est impossible d’imprimer les conversations. Il découvre que le compte d’Hodges a déjà été payé. Hodges est conscient que Brady aura vue sur lui s’il lui parle. Il réfléchit donc à une stratégie. Pour ne pas l’alarmer, il doit faire ce que celui-ci attend de lui, mais cela ne sera pas suffisant. Il cherche un appât. Son idée, que l’on ne découvre bien sûr qu’au dernier chapitre, est de faire semblant de croire que Brady n’est pas le tueur, piquant ainsi au vif son ego et sa vanité, ce qui est très finement joué.

Brady, de son côté, mène une réflexion parallèle et envisage plusieurs stratégies pour manipuler Hodges. La solution qu’il retient est d’empoisonner le chien de Jérôme pour prouver sa bonne foi.

 

Mr Mercedes hypothèsesHypothèses de lecture

La fille de Hodges est encore mentionnée à deux reprises (chapitres 11 et 18) par le biais de son fond d’écran (moi je dis que ça va mal tourner pour elle …)

Le duel va se jouer dans un premier temps par mails interposés. Qui de Brady ou de Hodges sera le plus habile à se dissimuler tout en poussant l’autre à se découvrir ?

L’empoisonnement du chien de Jérôme va sans doute créer une grande culpabilité chez Hodges. Le tandem va-t-il survivre à ça ? Je dirais que oui car il semble être une ligne directrice du roman.

Jérôme me semble toujours aussi suspect. J’adore l’idée qu’Hodges collabore avec un tueur en série pour en coincer un autre mais je prends peut-être mes désirs pour des réalités.

A bientôt pour la suite !

 

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Miss Tcharafi

Mi-femme, mi-cyborg, je jongle entre Hi-Tech, littérature et cosmétiques. J'ai un avis sur tout et je le partage volontiers, d'autant plus que j'ai toujours raison. Mon but ultime est d'être Terminator avec du gloss.

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